Le Livre de la Bête, par Christian Laucou

Inventeur de livres et codicologue averti, typographe expert et haïjin tout neuf, Christian Laucou a encore frappé ! Ce sautillant moustachu s’est depuis vingt ans fait une spécialité : inventer des formes de livres inédites, en usant de techniques d’impression improbables et, si possible, les deux à la fois.
A titre d’exemple, il a entrepris d’imprimer en taille-douce un recueil de 17 haïkaï. Rien d’inabordable en soi, à ceci près que l’animal a choisi de passer tout ça à la presse à taille douce. C’est-à-dire qu’il doit concevoir et fabriquer au préalable la machinerie qui lui permettra de poinçonner caractère par caractère une plaque de cuivre, avec une force égale, et tout ça en respectant approches et hauteur de ligne. Une gageure.
Mais il aime ça.
Destinée à marquer d’une pierre rouge la date satanique du 6/6/6, sa dernière opération, justement intitulée La Bête, s’est vue présentée au public le jour même de ladite date (évidemment). Pour en donner une juste idée, voici deux images et quelques détails techniques.

Le texte de La Bête est composée en typographie, quant à sa couverture à zieux, elle a connu quatre fois les outrages salopants de la presse pour se vêtir des quatre couleurs idoines. 666 exemplaires furent déposés sur la terre (dont un à la BnF, bien entendu).
Le plus important peut-être réside dans le fait que, le jour de laditedate (ne prononçons pas son blaze, comme chez Harry Potter), apparut sous nos zieuzébahis la bestiole au cours (d’une soirée arrosée !) d’une opération de transmutation du papier en antéchrist à langue de caméléon. Chargée la langue… Emergea la beste sulfureuse !
Alors, dans les tourments des sept plaies de la ville moderne (chaleur, poussière, pollution, promiscuité, coûtdelavie, stress et frustration) nous découvrimes, bibliques innocents, que d’un origami elle naquit.
Plus tard, aguerris aux arcanes, nous conçûmes en outre que le texte, rédigé par l’avatar Soulignac, reposait non sur les sept piliers de la sagesse, mais bien sur une poignée de contraintes oulipiennes. Ce qui, au fond, n’a pas fini de nous interroger… (Oulipo, fils du Mal ?).

Reste que le prix de 6 fois 6 fois 6 euros, pardon 6 fois 6 euros est bien abordable.
Finalement, voilà exposée la preuve que le mal n’est pas aussi coûteux qu’on a tenté de nous le laisser croire. Pas de quoi brûler un typographe en tout cas.

Par ailleurs, nous nous empressons de signaler à nos augustes lectrices et lecteurs que c’est là le cadeau idéal pour toutes belles-mères (la langue, évidemment), mais aussi pour tous les chefs de bureau, chefs de secteur, chefs de corps, chefs de clan, chefs de gare, chefs de rang, chefs d’agence, chefs de gang, chefs d’église, chefs de parti et j’en passe. C’est valable pour les cheftaines tout pareil.

Bestiales salutations.

Editions Fornax, 37 bis, rue de Montreuil, 75011 Paris. fornax@freesurf.fr

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