Le Manifeste de Moi, par Onésime Boquillon (Albert Humbert, 1835-1886)


Le Manifeste de Moi, Onésime Boquillon,
écrit d’avec mon queur et pi de la bone encre.

Citoiliens mécieu, (je m’adress pa ô dame, passque les dame elle ont pas besoin de s’enberlificoté dan ces afaire la) Je dis don : Citoiliens mécieu ! Puisque nous sont dedan une saison de manifesse, de prôtestacion et d’un ta d’otre afair straordinaire Moi aussi je m’ai réuni tou seul, et ayant descendu dedan le sin de moi même, je me frape dessu le coté gauche de ma veste et je di du fon de mes boilio :
Voui ! citoilien mécieu ! Ca peu pas alé lontemp come ça : quan i pleu ca mouille ; — les fame qui ont la petite vérole devrait se jeté a l’ô ; — en politiquerie n’y a pas besoin de savoir qui a tor ou raison, fo toujour crier d’avec les pu for ; —entre deu mâchoir fo pa mettre son doi ; — faite vous miel, et les ours il vous mangeron ; — on prend pa de truite san moulier ses ba ; — et si la pière toque contre la cruche, ou la cruche toque contre la pière, tan pire pour la cruche. Et voilà come je sui, moi, nom d’eune pipe !
Y en a qui side : ça fai rien, ça peu pa alé mieu. Y en a des ôtre qui dise : ça fai rien, ca peu pa alé pu mal. Et y en a des ôtre qui dise rien du tou et qui en panse pa pu. Ca prouve qu’en France nous sont tous libre d’avoir chacun des goût en reciproque de nos idé et que chacun il ba sa fame comme il l’entend — mais seurmen ceusse qui on des fames ; et chacun sai ou que son soulier li fai mal ; et quan on a recu un cou de pié dedan une fesse, fo défende son ôtre fesse. Mais fo pa maîlé les chou d’avec les raves, et tou ça s’est pas eune raison pour que les citoilien de France et de Purgerot il aye chacunune idé a soi, bsolumen come on a chacun sa fame, qui est pa la fame de son voisin, et reciproquemen. — Et si on est pa d’acor sur ceci, et pic ça et pi encor ça, et bien vou vairer que tou les citoilien — je sai pa combien que nous sont de citoilien en France, mai y en a une bel rabeutlée — et bien vous voirer qu’il se prendron ô cheveu et il se les aracheron come des mâtin, — mais seurment ceusse qui sont pa chôve, — et ça fera plaisir au dame qui ramsseron vo cheveu pour les fouré dedan leûs chinion.
Voui ! s’est moi que je vou le di : si on veu pas que les dame elle aye bientô des chinion pu gro que des bonet a poil de sapeur, qu’il son déjà assé gro come ca que s’est dégoutan vu qu’on sait pa qu’est-ce qu’elle peuve fouré dedan, — l’est donc pa trot ô que ça finisse Fo don être tou d’aquor come les 5 doi de la main, s’est a dire avec des gran et pi des peti ; puisque fô des peti pour fair paraître les gran pu grand, — je parle des doi de la main, bien entendu ; et fo des gran pour faire paraitre les peti pu peti, toujour dedan la main. Mais nez en moins quan on dor, tout les amme il son égau, et apré la mort le cor du minisse il tient pa pu de plasse dedan la terre que le cor d’un marchan d’astico. Et voilà comme je sui.
Et je vou di encore : sur les fleuve de la vie, vaut mieu roulé en carosse que de marché a 4 patte. Se traîné a 4 patte s’est bon pour ceux qui son né dessou des simple feuille de chou, mai pa pour les gro père sonage qui ont dessur l’âme 3 pouce de graisse de bon crétien pour préserver leur queur contre les attaque de la charité.
Citoiliens ! quand je panse a ça, mon queur il est dan un grandissime tirbouinement.
Mais nous sont tou des citoiliens, est-ce pa, citoilien ? Et pi moi aussi. Passque je suis enfermé dedan un abit de solda, s’est pa une raison. Par dessou ma chemise en toile de coton que le gouvernemen il ma doné ; par dessou mon caneçon en toile de coton que le gouvernement il ma doné ; pardessous mes bouto de guêtre en os, pardessou ma giberne, pardessou… j’alais dire pardessou les chaucette que le gouvernement il ma doné, mais le gouvernemen il ma pas doné de chaucette ; enfin pardessou tou ces afair la j’ai une pô de citoilien que persone m’a doné, et qui était une pô de campaniar oparavan que je soy militair, et qui demande pa mieu que d’y retourné. Par ainsi nou sont pu des citoilien. Et pour que le français il soye des citoilien plein de vaillance nous fôt mangé bôcou et avoir les boilio garni, vu que s’est les tripe qui porte le queur et pa le queur qui porte les tripe.
En conséquent, dedan l’intérêt géneral demande qu’on donne tou les matin au solda de mon batalion et a moi aussi — j’aime bien ça — une tasse de chocola ; pa du café au laid, le lait de Pari s’est de la cochonerie.
Pendan que j’y sui, laisson pa refroidir la marmite. Demande encore, toujour dedan l’interêt géneral pour me reconpansé d’avoir pa été nomé député, qu’on me done une bone plasse, pourvu que ça soye pa une place de chambellan, passque je voudrais pa alé a la cour ; s’est pa par opinion politique — me fiche pa mal des opinions ; on a des opinion politique suivan la place qu’on a — Mais voudrais pa alé a la cour rapor qu’il fôt mettre des culotte courte et que j’ai pa des mole tassé bô, et que les dame de la Cour elle s’en moquerait. — M’aperçoi, Citoilien mécieu que j’ai rien demandé pour vou. Mais ça fai rien, si vou avez envi d’avoir quéque chose, vou pouvé le demandé, ça coute rien. Seurmen si on vou le done pa vous aurer pu qu’a mette vot langue dedan et fair le mort. Et ceusse qui vient sercher de la laine, souven il s’en retourne tondu. Et voilà.

Onésime Boquillon




La Lanterne de Boquillon (par Albert Humbert), 2e année, n° 19 ter, octobre 1869.

La collection complète de la Lanterne de Boquillon (23 numéros) se trouve au bureau de l’Eclipse, 16, rue du Croissant, et chez tous les libraires et marchands de journaux.

En revanche, si l'on appartient au XXIe siècle, on peut se procurer l'épatant Cadavres sur cadavres, d'Albert Humbert, issu des livraisons du 5 juin au 21 novembre 1869, servi avec une préface de François Caradec. C'est drôle et rebondissant de tous les ressorts dramatiques qui grincent, un vrai plumard feuilletonnnnnnesque sous-titré "Emotions à jet continu" pour marquer bien la parodie qui s'y joue entre l'Abonné du Petit Journal et Gorju L'Escorcheur...— Patrick Fréchet éditeur (Le Pradel, 12270 Saint-André-de-Najac), 13 € Franco.

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