La Véritable identité de Jean Dayros
Suite de l’épisode précédent, en trois actes
Nous avons lu avec attention l’apparente mise au point donnée par Henri Bordillon dans L’Oeil bleu, sous le titre « Tombeau pour Jean Dayros » (1), et censée éclaircir/mettre un terme à la polémique qui, en l’an 2002, avait opposé le Collège de Pataphysique aux éditions Fornax (en la personne de Christian Laucou), à propos de la paternité – et de la réédition – de certaines Chrysalides de l’extase (2). Témoin aux premières loges de l’aventure, j’aimerais à mon tour faire une mise au point.
Il y a quelques années, Christian Laucou préparant la réédition de Mes états d’âme ou Les sept chrysalides de l’extase, m’avait demandé des renseignements sur un certain Jean Dayros, « inconnu au bataillon ». Après quelques recherches, je réussis à lui faire parvenir deux notices, à savoir : une notice tirée de l’ Anthologie littéraire des P.T.T. de 1934 (3), et la notice du dictionnaire bio-bibliographique intitulé 800 auteurs. Dix siècles d’écriture en Tarn-et-Garonne, publié en 1992 (4).
JEAN DAYROS
M. Jean Dayros, de son vrai nom Paul Colombié, né à Mazamet le 30 juin 1864, fut Président de l’Association des fonctionnaires de l’Admimistration centrale.
Jean Dayros fréquenta avec assiduité les milieux littéraires. Il y rencontra les grands poètes de l’époque : Paul Verlaine, Jean Moréas, Laurent Tailhade, P.-J. Toulet, A1fred Jarry, Jean de Tinan. Il collabora à La Plume, à l’Ermitage et au Courrier français. On le vit également aux soirées de La Plume, du Procope et du Chat noir. Ses poèmes parurent dans : La France nouvelle, La Petite République, La Lanterne, La Nation, L’Observateur français, etc.
Signalons pour terminer que M. Jean Dayros fut Secrétaire général de La Boîte aux Lettres, sous la présidence d’Albert Cim, Edouard Estaunié et Charles Saunier.(Anthologie des poètes des P.T.T., p. 93.)
COLOMBIE Jean, Donatien (pseud DAYROS, Jean) (Montauban, 25.04.1865 - Paris, 01.1937)
Ce Montalbanais, rédacteur au ministère des Postes, collabore régulièrement à partir de 1892 à la revue créée par Edouard Forestié, Le Quercy. Il y publie des poésies et des fables, mais aussi des nouvelles (La Tentation, Brave père, Retour de marche, Impressions de vacances, Le Pardon, Rythmes d’automne…) et quelques critiques d’art, notamment sur le peintre Louis Cabanes. En 1897, parait Solitaires, un recueil de “… poèmes aux rythmes étranges et pleins de charme…”.
M.M.
Revue Le Quercy.(800 auteurs. Dix siècles d’écriture en Tarn-et-Garonne, p. 92.)
J’y avais ajouté la date de décès dudit – 15 janvier 1937 –, renseignement tout bonnement fourni par la chronique de la Société des Gens de Lettres (avril 1937), mais je n’avais pas eu, à l’époque, le loisir d’apporter plus de précisions.
Bref, ces informations furent dûment reprises par Christian Laucou, donnant bien l’origine de l’information – contrairement au « réviseur » actuel –, à l’occasion de la réédition en plaquette qu’il fit, également en 2002, de sa Complainte de la vie en vert (5).
Précisons encore : si je constatais bien quelque divergence entre les deux sources, mon expérience et ma pratique des dictionnaires dits biographiques me conduisait à accorder plus de crédit aux informations données par l’auteur de l‘Anthologie des poètes des PTT, plutôt qu’ à la notice du second ouvrage. Je n’aurais aucun mal à citer d’autres exemples pour illustrer la désinvolure avec laquelle sont assez souvent rédigées les notices de ces dits dictionnaires…
Mon « intuition » semble avoir été la bonne ; les différentes pièces d’état-civil apportent aujourd’hui quelques certitudes.
Pièce n° 1 : Acte de naissance
L’an mil huit cent soixante-quatre et le premier juillet, à neuf heures du matin, par devant nous Auguste BRIEU, adjoint au maire et par délégation, officier de l’état civil de la commune de Mazamet, arrondissement de Castres, département du Tarn.
Est comparu Jean-Baptiste COLOMBIE, âgé de quarante ans, pareur, demeurant à Mazamet, Grand’rue, lequel nous a présenté un enfant de sexe masculin, né hier à sept heures du soir, dans sa maison d’habitation, de lui déclarant et d’Izabelle JOLY, son épouse, âgée de trente-six ans, ménagère, demeurant avec lui, et auquel il a déclaré vouloir donner les prénoms de Paul Henry.
Présents et témoins les sieurs Louis AUSSEMAT, âgé de quarante-quatre ans, et Jacques DUFOS, âgé de trente-six ans, agents de police, domiciliés à Mazamet ; Lesquels ainsi que le déclarant ont signé avec nous le présent acte après lecture.
Pièce n° 2 : Acte de mariage
L’an mil huit cent quatre-vingt-dix-huit, ving-neuf octobre, à onze heures du matin : acte de mariage : Paul Henry COLOMBIE, rédacteur au ministère des Postes et Télégraphes, né à Mazamet (Tarn), le trente juin mil huit cent soixante quatre, domicilié à Paris, Place du Panthéon 9, fils majeur de Jean-Baptiste COLOMBIE, décédé, et de Izabelle JOLY, sa veuve, sans profession, demeurant à Montauban (Tarn-et-Garonne), consentant devant l’officier de l’état civil du dit-lieu, le huit de ce mois, d’une part ; et de Victoire Philomène GLORIEUX, tailleuse en robes, née à Escaudoeuvres (Nord), le vingt-quatre octobre mil huit cent soixante treize, domiciliée à Paris, rue Monge, 100, fille majeure de Usmar Alexandre Joseph GLORIEUX, rentier, demeurant à Cambrai (Nord), consentant devant Me CARON, notaire dudit lieu, le dix-neuf de ce mois, et de Maria MOLLET, son épouse, décédée, d’autre part – dressé par nous, Alexis Charles Albert PHILIPPON, adjoint au maire, officier de l’état civil du cinquième arrondissement de Paris, qui avons procédé publiquement, en la mairie, à la célébration du mariage , dans la forme suivante : Après avoir donné lecture aux parties de leurs actes de naissance, des actes de décès du père du futur et de la mère de la future, des consentements sus-dits, de l’acte des publications faites à cette mairie ; les seize et vingt-trois de ce mois sans opposition, toutes pièces paraphées et annexées ; du chapitre six, livre premier du Code civil, titre du mariage, sur les droits et les devoirs respectifs des époux ; après avoir interpellé les futurs époux, qui nous ont déclaré qu’il n’a pas été fait de contrat de mariage, nous leur avons demandé s’ils veulent se prendre pour mari et pour femme, chacun d’eux ayant répondu affirmativement et séparément, à haute voix, nous avons prononcé, au nom de la Loi, que Paul Henry COLOMBIE et Victoire Philomène GLORIEUX sont unis par le mariage. En présence de : Léon MAZET, vint-six ans, homme de lettres, officier d’Académie, Passage du Saumon, 4, Charles BARRAULT, âgé de vingt-quatre ans, docteur demeurant place Clichy, 4, Théobald Blaise CHARLY, âgé de vingt-sept ans, caricaturiste, rue Notre-Dame de Lorette, 14 ; et Paul MARIUS-ANDRE, âgé de vingt-six ans, publiciste, demeurant boulevard de Port-Royal, 66 ; témoins, non parents, qui ont signé avec les époux, et nous, après la lecture du présent acte de mariage.
Pièce n° 3 : Acte de décès
Le quinze janvier mil neuf cent trente-sept, vingt heures quinze, est décédé, Villa Saint-Jacques, 14, en son domicile, Paul Henry COLOMBIÉ, né à Mazamet (Tarn), le trente juin mil huit cent soixante-quatre, Rédacteur en chef au Ministère des Postes, Chevalier de la Légion d’Honneur, fils de Jean Baptiste COLOMBIÉ, et de Izabelle JOLY, époux décédés. Époux de Victoire Philomène GLORIEUX. Dressé le seize janvier courant, dix heures trente, sur la déclaration de Marcel ZAMMARETTI, trente-neuf ans, employé, rue Charles Divry, 16, qui, lecture faite, a signé avec nous, Gabriel de SAUNIERES adjoint au maire du 14è arrondissement de Paris.
Nous nous permettrons de signaler au passage une autre « fantaisie » de Monsieur Bordillon : la plaquette Les Solitaires (vers), bien indiquée comme orignellement publiée en 1898, mais, dit-il, « très probablement à compte d’auteur », parce que, argue-t-il, il n’y aurait pas eu « de dépôt légal »… Il est contredit par le fait qu’elle figure encore, curieusement, dans le Catalogue Général Albert Messein éditeur/Successeur de Léon Vanier, Paris, janvier 1914, p. 22, où l’on peut lire* (6) :
Dayros (Jean) – Les Solitaires (vers), imprimés sur papier d’emballage 3.50 (fr.)
Id., Édit. de luxe sur papier noir, tirage arg. …………………………….. 10 (fr.)
Signalons enfin que l’auteur du croquis donné en ouverture de l’article d’H. Bordillon, « T. Charly », que n’a pas réussi à identifier le Dico Solo, était témoin du mariage de Jean Dayros.
En cherchant aux sources, et aux bonnes sources, on finit toujours par trouver.
C.Q.F.D.
Patrick RAMSEYER
Notes
(1) « Tombeau pour Jean Dayros » par Henri Bordillon, L’Œil Bleu, n°4, octobre 2007, p. 29-39.
(2) Mes états d’âme ou les sept chrysalides de l’extase, par le Vicomte Phoebus, Retoqué de Saint-Réac, Paris, Éditions Fornax, 2002, 252 p.
Viridis Candela, carnets n° 8, 15 juin 2002, « Chrysalides & vers à soy » par Barbara Pascarel, pp. 68-96 + tract inséré « Minute, Papillon ! », non signé.
(3) Anthologie des Poètes des P.T.T., sous le haut patronage de Georges Lecomte, Edouard Estaunié et Edmond Quenot, Paris, Bibliothèque de l’Association amicale des P.T.T., 1934, p. 93.
(4) 800 auteurs. Dix siècles d’écriture en Tarn-et-Garonne, sous la dir. de Marcel Maurières et Georges Passerat, Montauban ; B.C.P. & Association des amis de la B.C.P., 1992, p. 92.
(5) Jean Dayros, Complainte de la vie en vert, Paris, Éditions Fornax, coll. « Fornax vert », n° 4, 2002, non paginé (16 p.).
(6) Renseignement aimablement communiqué par Jean-Paul Morel, qui possède ledit catalogue de 38 pages.
Ajout du 29 décembre 2009 : Ils sont trop !
1 De Pâquerette masquée -
Patrick Ramseyer est l'un des plus grands biographes d'artistes et d'écrivains connus ou inconnus, tous siècles confondus. Il le prouve encore une fois ici. Nous attendons avec impatience la publications de ses travaux sous forme d'un dictionnaire, voire d'une encyclopédie, qui permettrait enfin qu'on reconnaisse son grand talent.
2 De VM -
Au sujet de l' hypothèse d' un compte d' auteur ;
"les solitaires" ayant été imprimées par un ami de longue date de Dayros à Montauban (Edouard Forestié) en grand format et avec un tirage restreint on peut envisager comme trés crédible une édition à ses frais.
Cela n' est en rien incompatible avec un dépot de toute ou partie du tirage ordinaire ou un rachat de celui ci par Vanier /Meissen.
Des précedents indiquent que cette pratique avait cours chez Vanier qui racheta ,par exemple, une partie du tirage de la premiere plaquette d' Ephraim Mikael.
La mention de Vanier comme éditeur pourait indiquer de fait qu' un accord était passé à l ' origine .Vanier aurait donc été mentionné comme éditeur par Dayros ayant financé une partie de l' édition .
Les liens de Cazals (autre poéte fondateur de l' amicale des ptt) avec l' auteur aurait pu faciliter un tel arangement avec l' éditeur de Verlaine.
Quoi qu' il en soi le "compte d' auteur" avec mention d' éditeur était une pratique trés répandue dans le monde de l ' édition
(de Lemerre au ...Mercure de France).
Mais il serait difficile de s' avancer d avantage dans ce cas précis sans document comptable.
Quand aux autres attaques ... cela semble un brin mesquin mais vous accusez monsieur Bordillon de ne pas vous citer comme source ...en aurait il eu besoin de le faire hors meme qu' une recherche approfondie ou la chance peu mener aux memes documents.
A l' inverse vous reprochez a l' article de l ' oeil bleu de ne pas avoir tenu compte des piéces d' état civil ou de préter a confusion .
Pourquoi ne pas préciser les choses dans la revue en question et le faire sur ce blog?
3 De Pierre Fiala -
Salut Patrick !
N'oublie pas que tu me dois un café court non sucré depuis que je t'ai "mouché" dans la conversation sur les origines littéraires du balbynisme. Je viens de relire Palante et j'y trouve confirmation entière de mes dires.
Sans rancune,
Amitiés balbyniennes,
Pierre
4 De Thierry Malandain -
Cher Monsieur, Sauf erreur, vous avez assuré les notices biographiques ajoutées à “Mes Mémoires” de Jane Avril chez Phébus. Ainsi, celle de Mariquita, maîtresse de ballet aux Folies Bergère. Faisant des recherches sur cette artiste, je souhaiterais avoir quelques précisions concernant son véritable nom, par exemple. Aussi, serait-il possible d’entrer en contact avec vous ? Bien cordialement.
5 De elo quill -
voir article dans LA PRESSE 24 octobre 1897: 3
titre: Le Boulevard—Ils sont trop!
satirique sur l’aggrandissement de la Morgue pour ceux qui ont osé laisser en leg a la Ville de Paris en mourant plutot que de crever de faim et du froid.
Elo
6 De eloquill -
svp voir: La Presse (quotidien) 24 Octobre 1897,
"Le Boulevard"--parody on controversy over the morgue. Signed JEAN DAYROS (p. 3)
Eloquill
7 De Le Préfet maritime -
SVP voir le billet de l'Alamblog du 29 décembre 2009