François Caradec prochainement à l'étude

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Le mercredi 13 Mai 2009, au Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, dans le cadre du cours de « tératologie poétique » donné par Etienne Cornevin à des étudiants de deuxième année du départements Arts de Paris 8 (Saint-Denis) aura lieu une journée d’étude sur les livres de François Caradec.

En voici le programme et la déclaration d’intention, par Etienne Cornevin lui-même :

Tous ceux qui, en France, aiment l’humour de haut vol, conçu et pratiqué comme une forme paradoxale de poésie, doivent bon nombre de leurs rencontres décisives et de leurs connaissances en ce domaine à François Caradec (1924-2008). Que ce soient les éditions de grands humoristes qu’il a rassemblées et préfacées (Allais, Christophe, Töpffer, Pawlowski, Auriol), les anthologies du rire, du pastiche ou encore de morceaux de bravoure humoristico-aphoristiques (dans la collection En verve chez Pierre Horay, dont même les recueils constitués par d’autres portent sa marque), les biographies (Christophe, le pétomane, Fregoli, Ducasse-Lautréamont, Roussel, Jarry, Willy, Allais ou Jane Avril), ou les encyclopédies et les dictionnaires d’inventions (farces, attrapes et mystifications, français argotique et populaire, music-hall, gestes) dont le pédantisme qui passe aujourd’hui pour haute culture préfère ne rien savoir, ses livres sont incontournables. Ce sont des classiques de la contre culture humoristique, nos manuels d’école buissonnière, dans lesquels toute la place est occupée par les écrivains et les dessinateurs communément tenus pour mineurs, les burlesques, les parodistes, les pasticheurs, les « auteurs gais », bref les oubliés du Lagarde et Michard (doublement oubliés à une époque où les élèves ne savent même plus par cœur comment Rodrigue se fait demander s’il en a, et où certains jeunes professeurs croient se souvenir que le titre du roman de Flaubert est plutôt Bouvarde et Pécuchard).
Le centre d’anti-gravité de cette œuvre capitale est peut-être de nature tératologique : Caradec ne s’est intéressé qu’à des auteurs « monstres ». Ni Christophe, ni Jarry, ni Lautréamont-Ducasse, ni Roussel, ni Allais – pour ne mentionner que ceux dont il a écrit ou esquissé la biographie – n’ont respecté les règles d’expression mesurée et vraisemblable qui régissent la « grande » et « vraie » littérature. Au contraire, ils développent allègrement des fictions abracadabrantes, voire démentes - dont les personnages extrêmes ont souvent des pensées et des comportements qui violent les lois les plus fondamentales de l’humanité, « monstrueux » donc au sens ordinaire - et en même temps qu’on est constamment ballotté entre suspension de l’incroyance et … suspension de la suspension, on ne sait jamais s’il faut les prendre uniquement à la rigolade ou s’il y a, comme souvent on en a l’impression, une dimension sérieuse (ou inversement). Corollaire : les catégories traditionnelles ne sont plus applicables. Les chants de Maldoror ont quelque chose d’épique, mais leur héros est trop irréel pour que l’épopée puisse se déployer, et la grande ironie sarcastique des Poésies ne rentre dans aucune des subdivisions de la poésie comique. Ubu ou le Dr Faustroll relèvent simultanément de la bouffonnerie la plus agressivement scatologique et de la poésie symboliste la plus hermétique. Les poèmes d’Allais sont de quelqu’un qui n’aurait rien compris à la poésie, mais il y a une véritable poésie de ses contes, qui prodiguent des enchantements bien plus durables que la « littérature pour commis voyageurs » qu’il y voyait.
Ce caractère plus ou moins violemment anti-classique, contradictoire, inclassable et perturbant, on le trouve également dans les « œuvres » de Christophe, Roussel, Masson (Lemice-Terrieux), Auriol, Pawlowski, Cros, … ainsi que dans les autres objets d’étude de François Caradec : les « farces, attrapes et mystifications », la Bande dessinée, la littérature enfantine, l’argot, le Music Hall ou les gestes.
Il m’a semblé qu’il serait utile de revisiter certains de ses livres, pour essayer de dégager quelques-unes de ses découvertes, et mettre en évidence la vision qui a orienté toutes ses recherches, une vision extraordinairement vaste, généreuse et beaucoup plus profonde que On n’évite de le penser. À cette fin, j’ai invité quelques personnes qui, à des degrés divers, partagent cet esprit, et pour lesquelles certains livres de François Caradec ont beaucoup compté :


Intervenants
Éric Dussert, expert en redécouvertes de chefs-d’œuvre méconnus, nous parlera de L’encyclopédie des farces, attrapes et mystifications (Pauvert, 1964) : « ce « monument de rigolade », où tant d’entre nous ont découvert la vie, la vraie ».
Yves Frémion, nickeleur de papieds, évoquera les recherches – et les trouvailles – de Caradec en matière de bande dessinée (il en fut un des premiers historiens, et a beaucoup contribué aux republications par les éditions Pierre Horay de classiques comme Rodolphe Töpffer, Wilhelm Busch, Christophe, Winsor Mac Kay, Gustave Verbeck, Richard Felton Outcault ou Pat Sullivan)
Astrid Bouygues, qui vice-préside pendant la semaine l’Association des Amis d’un personnage qui ambule dans le Dimanche de la vie, nous livrera les résultats de ses investigations sur la lecture que faisait Caradec des romans de Raymond Queneau (qui fut un des artisans majeurs de la renaissance d’une haute culture humoristique dans les décennies d’après-guerre)
Jacques Jouet, équilibriste verbal épatant qui prodigue les prodiges de sa virtuosité dans les assemblées de papoux dans la tête ou d’oulipiens, tentera de dépasser pour nous le record détenu jusqu’à présent par Rimbaud (Arthur) en tendant des cordes non de clocher à clocher mais de nuage à nuage (car Caradec était aussi un poète – sinon grand, en tout cas vrai -, et un poète des nuages – parisiens de préférence)
Christian Laucou, qui a publié aux Éditions du Fourneau un ou deux livres de François Caradec (ainsi que Mes états d’âmes ou les 7 chrysalides de l’extase, du mystérieux Retoqué de Saint-Réac, mentionné pour la première fois dans l’E.F.A.M.), et qui comme lui est typographe de formation et passionné de littérature « fin de siècle », suivra la piste du plomb dans les alchimies inversées de l’humour
Bruno Fuligni, qui explore les rapports souvent très inattendus de la folie, vraie ou fausse, avec le pouvoir, nous fera part de certains cas de politiques fantaisistes qu’il a découvert grâce à François Caradec (par exemple le Captain’ Cap, ami d’Alphonse Allais, qui s’est présenté aux élections législatives de 1893 avec sur son programme « La place Pigalle port de mer » ou « Le rétablissement de la licence dans les rues du point de vue de la repopulation » (… )
Paul Gayot, dont le compère Ruy Launoir a récemment publié une excellente biographie d’Emmanuel Peillet et ses doubles, et qui est probablement celui qui connaît le mieux l’histoire du Collège de ‘pataphysique, nous parlera des rapports de Caradec avec celui qui apparaît de plus en plus comme son instigateur, fondateur et principal animateur, ainsi que du rôle que joua dans cette institution éminemment « monstrueuse » (et très portée sur la tératophilie poétique) celui qui y fut « Régent toponome et celtipète », « Régent de céphalorgie appliquée », « Régent de Colombophilie » et enfin « Régent d’alcoolisme éthique »
Etienne Cornevin enfin, l’organisateur (plutôt gentil) de cette journée et écriveur de ces lignes, essaiera de présenter synthétiquement l’apport philosophique et critique de Caradec, et tentera d’articuler deux ou trois pensées plus ou moins penchées sur une phrase d’Allais devenue le titre d’un recueil de ses 150 meilleurs contes : La logique mène à tout à condition d’en sortir

Programme
9h : accueil des inter- et autres venants (les re- ne seront pas exclus, sauf agitation intempestive de chaînes de « e », mais on n’ira pas les chercher)
9h15 : Étienne Cornevin : Contribution de François Caradec à la renaissance d’une haute culture humoristique
9h45 : Éric Dussert : À propos de l’Encyclopédie des Farces, attrapes et mystifications
10h 15 : Yves Frémion : La découverte du Nouveau Monde de la « B.D. » par François Caradec

10h45 – 11h : entracte

11h : Astrid Bouygues : Caradec lecteur de Queneau, ou la monstruosité quercycanine
11h30 : Jacques Jouet : Paris sur l’âge des nuages de Paris

12h – 14h : antr’acte

14h – 14h30 : etc. : Allais la logique !
14h30 – 15h : Christian Laucou : La typographie mène à tout …
15h – 15h30 : Bruno Fuligni : De quelques foupols retrouvés par François Caradec

15h30 – 15h45 : hun ter, mède

15h45–16h15 A propos de Caradec & Jarry, la pataphysique, le collège de ‘Pataphysique, l’OuLiPo et divers OuXPo, avec Paul Gayot, Jacques Jouet, Bruno Fuligni (la table, rectangulaire comme la plupart des tables rondes, s’agrandira symboliquement mais judicieusement pour accueillir les intervenants précédents comme le public désireux de se mettre à table)

Cette journée d’étude est ouverte à tous, dans la limite (assez extensible) des places disponibles.


Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis
M° Saint-Denis - Porte de Paris (sortie Centre ville – Musée)

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