Haute figure de la 'pataphysique, Jean Ferry (Jean Lévy, époux de Marcelle Ferry (Lila) dit, 13 juin 1906-5 septembre 1974) est fort connu pour ses travaux sur Raymond Roussel (le copain de Dieu) et ses contes à dormir debout. On sait beaucoup moins — et Pauvert se garde d'en parler — qu'il fut, avec Breton, un efficace apporteur d'idées à la maison dudit Jean-Jacques. C'est le genre de choses que l'on ne clame point trop.
Scénariste et écrivain d'imagination, Jean Ferry venait de Nancy. A son arrivée à Paris, il travailla pour son oncle, José Corti et fit à cette occasion la connaissance des surréalistes. Il fut ensuite officier-télégraphiste sur les navires de la Société navale de l'Ouest et se tourna vers le cinéma. En 1931, il entama une collaboration à la Revue du Cinéma, se vit engagé par la maison Pathé-Nathan comme scénariste et dialoguiste et participa en outre aux activités du groupe Octobre.
Le recueil de ses contes, d'abord publiés comme "Le Tigre mondain" dans la revue Les Quatre vents d'Henri Parisot puis dans sa collection l'Âge d'or — et même repris par Pierre Bettencourt en ce qui concerne Le Tigre mondain —, furent réunis une première fois par les Cinéastes bibliophiles en 1950 avec une préface de Breton, puis par Breton lui-même dans la collection Métamorphoses (Gallimard) en 1953 (Jean Ferry était le compagnon de Lila, ex de Hugnet, du Pape et d'Oscar Dominguez). L'édition procurée par les éditions Finitude comportent désormais quatre inédits pêchés dans les publications du Collège de 'pataphysique et les textes canoniques qui l'ont distingué.
Étonnamment fasciné par la fatigue et le sommeil, Jean Ferry se montre dans ses fictions très préoccupé de voyages, de réalité quotidienne inscrite dans un non-ordre rationnel, dans les jeux de l'esprit et les incongruités cristallisant dans l'improbable, très bien servies par les illustrations de Claude Ballaré qui, dans le goût de Max Ernst, fait des merveilles.
La Société secrète de Kafka, Robinson Crusoair, pêcheur d'oiseau aventureux (dans le somptueux "Hommage à Baedeker" !), et le Ranoraraku de Rapa-Nui, ce volcan que l'on n'aborde jamais, forment une ronde folle et teintée d'un humour gris (Dominique Noguez).
Ce recueil est le parfait équipement pour farniente d'été. Rêveries assurées.
Jean Ferry Le mécanicien et autres contes. Illustrations de Claude Ballaré. Préface de Raphaël Sorin. — Finitude, 175 pages, 16,50 €
1 De Alain Paire -
Fin 1940 et pendant plusieurs trimestres, peut-être jusqu'en 1942, Jean Ferry et sa femme Lila qui s'étaient réfugiés à Marseille ont participé à une aventure autogestionnaire et surréalisante, à mon sens trop mal connue et que je raconte souvent, la coopérative des Croque-Fruits, imaginée et construite par les proches amis de l'acteur et metteur en scène Sylvain Itkine. Trois heures et demi par jour ils fabriquaient avec quelques dizaines de copains des "fruits mordorés", un mélange de dattes et de pâtes d'amande. Mis à part les trois dirigeants de cette micro-entreprise, chaque croque-fruitard touchait le même salaire, 80 francs par jour, mieux qu'un ouvrier de l'époque, de quoi s'offrir l'hôtel et vivre normalement.
Cette coopérative avait pour siège près de la Porte d'Aix et de l'autoroute, la rue des Treize Escaliers, une rue récemment détruite. Parmi les coopérateurs, il y avait d'autres réfugiés, des passants considérables qui s'appelaient Jacques Hérold, Vlady Serge, Oscar Dominguez, Yannick Bellon, Françis Lemarque, Fabien Loris, Gilbert Lely, Jean Malaquais et Jean Mercure. Benjamin Péret qui fréquenta la rue des Treize escaliers avant de partir pour le Mexique avait une immense affection pour cette aventure.
2 De oneofthem -
Cher Préfet maritime,
Saviez-vous (vous le saviez certainement !), qu'en 1992 a paru, chez Maren Sell / Calmann-Lévy, une édition du Mécanicien et autres contes de Jean Ferry ? J'aimerai vous adresser un scan de la couv’ de cet opus, mais je ne retrouve plus votre mail ! C'est avec plaisir que je prendrai connaissance des inédits de Ferry proposés par Finitude.
Bien cordialement,
Fabrice Lefaix
3 De Atelier André Breton -
C'est plutôt Jacqueline Lamba, celle qui inspira L'Amour fou, non ?
Merci pour cette courte bio-biblio - que je reprends pour éclairer les lecteurs du site Breton.
Bien amicalement
CK
4 De roger -
je viens de voir le film de Luis Bunuel "Cela s'appelle l'aurore" et j'ai voulu en savoir plus sur l’adaptateur. Quelle fut ma surprise d'apprendre qu'il changea de nom pour prendre un patronyme juif! Alors que, même encore aujourd'hui, on fait plutôt l'inverse. Vous qui me paraissez bien savant, pourriez-vous nous expliquer cela?
Merci pour cette charmante et très intéressante histoire d'entreprise auto-gérée. Moi qui en plus adore les dattes...