Pouvourville et l'opium

PouvPhyPsyOp.jpg



Comme promis, songeons un peu à Albert de Pouvourville.

Pour une fois.

Réédité par la formidable maison Kailash entre 1996 et 2004 (on se demande bien si elle est toujours active), cet auteur de la grande époque de la littérature coloniale française mérite un coup de projecteur. Ne serait-ce que pour L'Annam sanglant, L'Heure silencieuse (les rééditions avaient paru avec des préfaces de Xavier Legrand-Ferronnière), ou Le Cinquième Bonheur de 1911, recueil de nouvelles qu'il dédiait à Loti, Saint-Saens ou Farrère.

Aujourd'hui, aujourd'hui voici la couverture de Physique et psychique de l’opium, un ouvrage assez peu courant publié en 1925 sous le pseudonyme de Nguyen Te Duc Luat et dans le format 12,5x16,5 (ça n'est pas le seul nom dont Pouvourville fit usage, on le connait aussi sous le nom taoiste de Matgioi). La première partie du livre proposait un descriptif de la préparation de la drogue et des instruments de la fumerie, tandis que la seconde, c'était tentant, déployait une « théorie psychique de l’opium » doublée encore d'une « théorie psychologique ». Prenant sa place dans la filiation des Gautier, Baudelaire, Boissière ou Varlet, tenait de donner un panorama des états sensoriels provoqués par la drogue en restant le plus clinique possible, sans effet poétique.

Sur le même sujet, il n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il avait déjà publié :

Matgioï L'Esprit des races jaunes. L'opium, sa pratique. Paris, édition de "l'Initiation", 1903, 56 p.

Comité des congrès coloniaux français. Congrès de 1908 à l'École des hautes études commerciales. L'Opium, conférence donnée le... 1er juin 1908, au siège du Congrès, Paris, au Secrétariat général du Comité, 1908, 30 p. Ce texte a été réédité en complément de la récente édition des Propos d'un intoxiqué de Jules Boissière (Paris, Zanzibar, 1995).

Pour souligner le fait que l'opium n'était pas seulement un sujet d'étude 'médicale' pour Matgioi-Pouvourville, voici un poème où l'on constatera qu'à l'instar d'un Théo Varlet, il n'était pas défavorable au néologisme.

L'Opium

Doux regret du matin, doux sourire du soir,
Indifférent du los et mépriseur des blâmes,
Opium doré, muet conseiller, amorçoir
De tous les raffinés plaisirs que nous aimâmes,

Directeur du savoir, du pouvoir, du vouloir,
Créateur de concepts, générateur de flammes,
Frère aîné du sommeil, père du nonchaloir,
Règle des sens, poison des cœurs, soutien des âmes,

Réconfort du songeur, espoir du continent,

Endormeur des soucis, bouche d'or des légendes,
Excitateur des doigts, titillateur des glandes,
Invisible empereur du rêve hallucinant,

Vin du cerveau contrit, pain de l'âme affamée,
Noir compagnon, baiser secret, maître immanent,
Viens, mon ami ; viens, ma maîtresse ; viens, fumée.



(Rimes chinoises, Paris, A. Lemerre, 1904, pp. 61-62)

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Haut de page