La presse selon Paul Brulat (1900)

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Un directeur de journal n’est pas un père de famille ; c’est un homme d’affaires… Vous ne savez pas ce que c’est que de diriger un journal, à notre époque. Voulez-vous que je vous dise toute ma pensée, entre nous ? Eh bien ! un journal honnête ne peut pas vivre. Ce n’est pas la vente du papier qui nous soutient ; nous y perdrions plutôt, car nous donnons parfois huit pour cinq centimes. Nous avons des frais énormes et qui augmentent sans cesse, avec la concurrence. Le prix des articles s’élève, il nous faut couvrir d’or les écrivains dont nous voulons nous assurer la collaboration exclusive. Au surplus, les formats s’agrandissent, on serre les textes, la matière a doublé. Enfin, nous avons ici cinq mille francs de frais, par jour… Comment subsisterions-nous sans les affaires, sans les annonces, sans le bulletin financier, sans les pronostics, sans le chantage ? Nous sommes bien obligés de faire payer notre influence et notre autorité. Tout s’achète aujourd’hui… Les éditeurs traitent avec nous ; les théâtre feront bientôt de même ; la critique dramatique sera supprimée, comme l’est la critique littéraire. On n'obtiendra plus rien de la presse, même pas le silence, sans argent... Voyez, la réclame, reléguée d'abord à la quatrième page, envahit maintenant tout le journal, depuis le premier-Paris, jusqu'à la signature du gérant; elle se glisse dans les faits divers, dans les échos, partout !... Et nous devions en venir là, c'était fatal. Quant à moi, je me plie simplement aux exigences, aux conditions de vie du journalisme contemporain. (...)





Paul Brulat, La Faiseuse de gloire. - Paris, V. Villerelle, 1900, pp. 202-203

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