Bien des gens, du reste, se chargèrent de riposter de cette façon à Bautru, qui reçut presque autant de coups de bâton qu'il avait donné de coups de langue. Sans la reine mère, qui jugea à propos de le protéger en cette circonstance, le pied de M. de Montbazon - et quel pied ! comme disait le pauvre bouffon effrayé, - eût vengé sur lui les traits piquants de l'"Onosandre" dirigés contre l'épaisse stupidité de ce personnage. On vit même un jour madame de Vertus se placer commodément à l'une des fenêtres du pont Neuf, pour contempler le marquis de Sourdis qui administrait en son nom, et par suite d'une délégation officielle, une rude volée de bois vert à l'infortuné.
Le pont Neuf ! Combien d'exécutions de ce genre n'a-t-il pas dû voir ! C'était la patrie favorite des faiseurs de gazettes, de pasquins et de couplets satiriques : ce devait être aussi la terre classique te la patrie des coups de bâton. Combien d'autres, si le pont Neuf parlait, n'en pourrait-il pas citer encore, à côté de Bautru et de ce bon gros Saint-Amant qu'on y trouva un matin roué, moulu, à moiti mort, tant les laquais de M. le prince, qu'il avait eu l'imprudence de chansonner, mettaient de zèle à venger leur maître !
Victor Fournel Du rôle des coups de bâton dans les relations sociales et, en particulier, dans l'histoire littéraires (Paris, A. Delahays, 1858, p. 58-59).
Illustrant parfaitement les dangers de la satyre au XVIIe siècle - autrement plus violent que le nôtre -, Guillaume Bautru (1588-1655), comte de Serrant, fut un conseiller d'état et un ministre plénipotentiaire que n'appréciait guère Victor Fournel : "une espèce de bouffon qui avait plus de malignité que d'esprit" dit-il). Bautru fut cependant aussi membre fondateur de l'Académie Française (élu en 1634) et l'auteur de L'Onozandre ou le grossier satyre (s. l. n. d.).