Mémoires d'un billet de banque

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Poursuivant la vogue XIXe des "mémoires d'objets" initiée avec l'ère industrielle, le Portugais Joaquim Paço d'Arcos (1908-1979), digne successeur de son aîné Eça de Queiroz, promène son lecteur dans la bonne humeur chez les successifs propriétaires du billet : un ploutocrate, de jeunes snobs, un chauffeur de taxi, un mari maltraité, un patron d'une agence de voyage, une prostituée, et même un SS amoureux... L'humanité en somme.

Un très beau livre pour l'été !


J'écoute les plaisanteries et commentaires des employés de la banque, leurs propos concernant le service et comprends, non sans étonnement, que cet établissement, celui d'où je viens, toutes les banques de cette rue et de toutes les rues du monde n'ont qu'une mission : prendre soin de nous, je veux dire de moi et mes pareils, nous conserver, nous garder en lieu sûr, ou nous expédier à d'autres banques qui nous accueillent avec plus de joie que l'on n'en a à accueillir les êtres les plus chers.
Tout d'abord, faisant crédit à ce que disent mes pareils, je trouve tout à fait comique la valse que nous fond danser les hommes, les puissants édifices qu'ils dressent pour nous, l'affairement des employés qui s'y agitent, par centaines, le tout uniquement pour nous servir. J'en aurais été gonflé d'orgueil si je n'avais en même temps acquis la notion de ma petitesse : je ne suis qu'un parmi des milliers, par des millions d'autres, perdu sur la terre comme une minuscule étoile dans le ciel. Que représente dans l'immensité de la voûte céleste un grain de poussière parmi les immenses constellations ?



Joaquim Paço d'Arcos Mémoires d'un billet de banque. Traduit du portugais par Mathilde Pomès. - Paris, La Différence, 2016, coll. "Minos", 264 pages, 9,50 €


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