Gothique colonial

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Matthew Gregory Lewis (1775-1818) n'est pas l'auteur du seul Moine dont Artaud tira des merveilles. Il est aussi celui de L'Anaconda, une nouvelle parue en 1808 dans les Romantic Tales, traduite une première fois en 1822 par la baronne de Sénevas (Alexandrine Dodun de Keroman) pour le compte de la veuve Renard (l'édition de 1822).
Ce récit rapidement mené raconte comment le serpent vert et jaune sema la panique dans la propriété d'Asie — on est à côté de Colombo — d'un riche planteur anglais. Après l'abus de douves de châteaux obscurs entourés de forêts sombres, de souterrains humides, de monastères sans humanité et de caves surpeuplées d'insectes et de surmulots, ce texte scelle l'irruption du monstre dans le roman gothique.
Et en forêt tropicale, s'il vous plaît. La luxuriance a de la mâchoire.
La critique britannique a bien voulu voir dans ce conte un assaut contre l'impérialisme paternaliste britannique (le patron meurt des conséquences de l'absorption de l'haleine viciée du bestial, mais oui, signe que Lewis n'avait pas fait de longues études en sciences naturelles, et le vieux serviteur un petit peu broyé par le serpent lui survit puisque manifestement il était souple). On peut en discuter longtemps. On ira plutôt voir ce récit pour découvrir un peu plus M. G. Lewis, cet auteur rare, mort jeune et qui reste probablement l'écrivain qui aura été la plus grande victime littéraire de son propre grand succès.
Les éditions Finitude ont choisi d'équiper l'opus d'une tranche noire sur des pages historiées du goût le plus serpentin.
C'est noir comme faire-art de deuil, c'est élégant comme une orchidée noire, c'est piquant comme une haie d'aubépine.



Matthew Gregoy Lewis L'Anaconda. Traduction de Pauline Tardieu-Collinet. — Bordeaux, Finitude, 126 pages, 14,90 €

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