Le populisme en littérature

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Saluons en ce huit mai de repos le travail des éditions La Thébaïde qui proposent souvent des livres intéressants et des documents bien ficelés. Après les écrits de Magdeleine Paz, Jean Prévost ou Pierre Bost, c'est au tour de Léon Lemonnier (1890-1953), pédagogue à la Sorbonne de secouer sa gangue d'oubli grâce à François Ouellet qui lui taille un volume très illustratif.
Sous le titre de son Manifeste du Populisme, c'est la part idéologue/chef d'école de son personnage qui est mis ici en valeur, et non ses propres fictions. Il faudra avoir un jour le courage de s'y pencher, mais elles titrent tellement romans de moeurs à tendances sentimentales, autant dire qu'on ne s'est pas empressé d'y courir. Quant à ses biographies à la chaîne consacrées aux célébrités britanniques, elles sont probablement aussi désuètes que la plupart des biographies de cette époque qui en consommait des masses colossales. Passons, c'est le moteur du "populisme" littéraire qui importe aujourd'hui, c'est-à-dire lui-même et acolyte André Thérive (1891-1967), autre figure littéraire dont l'oeuvre a sombré corps et âme...
A la fin des années 1920, ils furent les fondateurs du courant « populiste » qu'ils tentèrent d'imposer. Et Thérive en avait les moyens puisqu'il prenait le poste de Paul Souday au Temps, place éminente, dominante d'où il est loisible de faire la pluie et le beau temps. Cependant, l'école littéraire de Thérive et Lemonnier ne prit pas bien et ne cristallisa qu'en un prix littéraire. Il fit date lors de sa première remise en désignant Eugène Dabit et son Hôtel du Nord en 1931 et c'est à la notoriété de ce dernier qu'il doit encore le fait que son souvenir ne soit pas complètement effacé. Le prix Populiste existe encore, on se demande pourquoi. Et comment. Mais il existe encore. Le milieu littéraire a de ces bizarreries parfois... Au-delà de ce nom assez mal venu à la fin des années 1920, le Populisme ne prit pas, d'autant que côté théorie, Lemonnier et Thérive y allait à la truelle en prenant le monde populaire comme décor plutôt que comme sujet. C'était Amélie Poulain avant l'heure, une tentative beaucoup trop candide à une époque où la vie politique bouillonnait, où, après 1917 et la Grande Guerre on imaginait mal la misère servir de seul décor pour des récits banals.
Le livre qui nous est servi aujourd'hui a le mérite de n'occulter aucune facette de ce "dossier" fugace de l'histoire littéraire. Le passage du Populisme s'écrit dignement et c'est une très bonne chose. Même si cette initiative de deux écrivains maladroits est arrivée à contretemps (Henry Poulaille allait occuper tout l'espace avec une "littérature prolétarienne" autrement plus étayée et relayée) — et sur une idéologie curieuse —, elle a le mérite de parler d'une époque où la question littéraire se vivait dans la prolongation de son passé glorieux d'écoles et de tendances, où la question littéraire ne se limitait pas à la photographie tout sourire des nouveaux impétrants coiffés pour l'occasion, où les chiffres de vente ne remplaçaient pas la question de l'art littéraire.
De quoi ?



Léon Lemonnier (et André Thérive) Manifeste du roman populiste et autres textes. Préface de François Ouellet. — La Thébaïde, 186 pages, 16 €

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