Il n'y a pas que des charretiers dans la nature

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Écrit sur un Almanach des Muses

Bouts-rimés, impromptus, quatrains et triolets,
Vous avez eu vos jours de mondaines conquêtes,
Vous avez illustré des hôtels, des palais,
Versaille et Trianon vous ont donné des fêtes.

Mais il n'est plus le temps où vous suiviez la cour,
Où les petits marquis vous ouvraient les ruelles,
Où les petits abbés, pour vous, plumaient l'Amour,
Et trempaient dans le musc ses chatoyants bouts d'ailes.

Vous revêtiez alors un pompeux maroquin ;
Vous portiez en signets la faveur rose et blanche.
Au rebut désormais vous dormez en bouquin,
Avec le catogan, oubliés sur la planche.

Pourtant, si vous voulez devenir un placet,
Hanter bals et concerts sous forme de message,
Quitter furtivement mon gant ou mon gousset,
Glisser sous un mouchoir, entrer dans un corsage...

Chanteur, et plus encor dilettante amoureux,
Je veux vous rajeunir, ambrés comme mes rimes,
Prêter votre manière à mes soins ténébreux,
Régler sur votre ton les tendresses mes crimes.

Votre mode a passé, mais vos propos sont doux ;
Vous savez contenir une galanterie :
La dame qui reçoit les prières par vous
Laisse ses cruautés tourner en rêverie.

Charles Coran




Sur Charles Coran (1814-1901), on peut se tourner vers Charles Monselet pour en apprendre un peu (Statues et statuettes contemporaines, Paris, D. Giraud et J. Dagneau, 1852). Monselet qui ouvrait son portrait sur ses mots louangeurs :

"Il n'y a pas que des charretiers dans la nature."

On peut retrouver aussi l'autoportrait que Coran dressait dans son volume d'Élégances :

Peignons mon portrait ressemblant :
Pour la fortune un nonchalant ;
Un dédaigneux de vaine gloire ;
Un païen ne sachant rien croire ;
Un rimeur d'idéal imbu,
Chantre du vin qu'il n'a pas bu ;
Un démocrate, et qui s'en vante,
Chez lui l'égal de sa servante,
Et aux champs, l'ami des près, des bois,
Dans le monde, un homme aux abois
Trouvant tout faux, tout laid, tout triste,
Et chez sa dame, un coeur d'artiste
Aimant tout jusqu'au falbala. -
Je garantis ce portrait-là.

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